1Aujourd’hui, de plus en plus de retraités aspirent à vieillir chez eux le plus longtemps possible. Cependant, des circonstances peuvent contrarier cette aspiration naturelle : isolement social, précarité financière, solitude, etc. En parallèle de cette situation, les difficultés d’accès au logement des jeunes de moins de 30 ans, étudiants comme jeunes actifs, restent très importantes.
2Pour répondre à ce double enjeu, il existe une solution possible au travers de la « cohabitation intergénérationnelle solidaire ». Cependant, ce modèle se heurte à un déséquilibre entre une demande qui reste plus importante que l’offre. Pour rappel, en 2016, 42,7 % des jeunes intéressés par une cohabitation intergénérationnelle ne trouvaient pas de seniors (Réseau CoSI, rapport d’activité 2017, 2018). En conséquence, une forte dynamique de structuration de ce type de cohabitation solidaire a été impulsée par de nombreux acteurs depuis 2017. Une politique publique a aussi vu progressivement le jour afin d’organiser cette filière émergeante. Un premier frein majeur a été levé grâce à la création d’un cadre juridique ad hoc reconnaissant que ce mode d’habitat ne relève ni d’un contrat de bail, ni du code du travail (loi du 23 novembre 2018 dite loi Elan et arrêté du 13 janvier 2020).
3La cohabitation intergénérationnelle et solidaire représente une alternative intéressante pour faciliter le vieillissement et l’autonomie à domicile d’un certain nombre de personnes âgées, tout en favorisant la solidarité entre les générations. Elle apporte des réponses au défi de l’isolement social des plus âgés : la période de confinement, et plus globalement la crise sanitaire, ont amplifié le sentiment ou les situations de rupture sociale vécus par certains seniors. La cohabitation intergénérationnelle est l’un des principaux leviers pour développer des solidarités naturelles au quotidien et une société plus inclusive.
4Dès 2015, émerge au sein de la Cnav l’idée de bâtir une plateforme publique mettant en lien seniors et jeunes pour des périodes de cohabitations intergénérationnelles solidaires. Ce projet trouve notamment naissance dans le cadre du concours lancé par la Sécurité sociale auprès de ses salariés pour fêter ses 70 ans (1945-2015) : « Comment promouvoir aujourd’hui les valeurs fondatrices de la Sécurité sociale ? ». La proposition d’une plateforme de la Sécurité sociale, garantissant les données personnelles et mettant en lien des citoyens, assurés sociaux, pour échanger des informations ou des services émerge. Le projet n’est pas retenu mais l’idée reste.
5Avec le choc du Brexit en 2016, le projet européen ne semble plus faire rêver. Les services publics et administrations décident alors de proposer des services concrets aux citoyens européens. La Cnav présente un projet de plateforme Toit+moi, qui vise à mettre en relation des retraités et des jeunes mobiles en Europe et remporte le 1er prix du service public innovant en 2017 pour ce projet. Cette plateforme publique devra bien entendu être garante de la protection des données personnelles. Cette préoccupation conduit la Cnav à retenir le principe d’une mise en œuvre au travers de l’interopérabilité européenne des identifiants numériques nationaux (France connect pour la France). Mais ce projet poursuit surtout un objectif essentiel : permettre aux retraités en Europe de participer à un projet commun. La plateforme les connecte à une jeunesse qui peut leur apprendre à utiliser les outils numériques et les aider dans leur quotidien. De leur côté, les seniors peuvent aider les jeunes à s’intégrer dans la vie active dans de bonnes conditions et leur transmettre l’expérience d’une vie. Enfin, le sentiment de citoyenneté européenne pourrait se trouver renforcé.
6Fin 2019, la plateforme toitplusmoi.eu est en ligne depuis deux ans. Elle a été développée de façon agile avec des associations, des jeunes, des retraités et une multitude de partenaires (Erasmus Student Network, Cnav, Cohabilis, Solidarios, 1Toit2Ages, European Universities Foundation). Elle vise à faciliter la mise en relation entre un jeune européen inscrit dans le programme Erasmus et un retraité, avec l’appui d’une structure associative d’accompagnement chargée de compléter le service de mise en relation « numérique » avec un accompagnement « humain » et personnalisé.
7Cependant, elle peine à trouver des seniors. 530 utilisateurs ont créé un profil, majoritairement des jeunes (425) à mettre en regard avec les 50 seniors inscrits. 13 associations sont partenaires. Le service est ouvert à Bordeaux, Paris, Lille, Lyon, Grenoble, Montpellier, Strasbourg, Madrid, Bruxelles. Sur chaque territoire, les caisses régionales nouent un partenariat avec des associations œuvrant dans le champ du développement et de l’accompagnement de la cohabitation intergénérationnelle solidaire appartenant au réseau Cohabilis. Ces dernières visitent le logement et rencontrent le senior après qu’il s’est inscrit. Elles accompagnent le binôme pendant la cohabitation. Leur présence et expertise est une garantie en termes de sécurité pour le senior et pour le jeune. Les Carsat financent cet accompagnement avec un forfait par binôme. Entre 2018 et 2021, 50 binômes vont ainsi pouvoir cohabiter pour des périodes d’un à deux semestres. Plusieurs retraités ont choisi ce dispositif à la suite d’une rupture : départ des enfants, décès du conjoint. Le site incite également les seniors d’un même territoire à se rencontrer pour des moments de convivialité, pour un apéritif ou une sortie à plusieurs.
8Même si le nombre de cohabitations reste modeste, les témoignages des jeunes et des seniors sont souvent émouvants et donnent sens au projet.
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